Initialement publiée dans la section opinion
du Devoir le 2 novembre 2015
du Devoir le 2 novembre 2015
Affiche de la campagne de Gaz Métro |
Or, ce que fait Gaz Métro, c’est miser sur l’ignorance des Québécois pour leur servir une entreprise de greenwashing parfaitement dégoûtante, et ce, précisément quand les forages controversés se multiplient. Il y a à peine un an, Gaz Métro a d’ailleurs conclu une entente avec Pétrolia pour s’assurer un monopole sur le gaz de schiste issu d’Anticosti. Est-il nécessaire de rappeler à quel point la fracturation hydraulique, seul processus utilisé pour l’extraction de cette ressource, est destructrice?
Nous savons que la fracturation hydraulique génère de vastes quantités d’eaux usées contenant, entre autres choses, des particules radioactives. Nous savons que la technique est tellement énergivore qu’elle produit à peine plus d’énergie qu’elle n’en consomme et que, par conséquent, elle ne doit sa prétendue rentabilité qu’aux incohérences de notre système économique. Nous savons aussi qu’en Pennsylvanie, une étude du gouvernement fédéral a démontré que 25% des puits ont mené à des contaminations des sources d’eau potable, et que ce chiffre risque d’être beaucoup plus élevé ici, en raison de la faible profondeur des gisements. Nous savons enfin que les puits libèrent des quantités de méthane importantes qui, selon certaines études, pourraient faire du gaz et du pétrole de schiste des sources énergétiques au potentiel de réchauffement climatique supérieure au charbon, lequel détenait jusqu’à récemment le record de l’énergie la plus polluante.
On nous dira que, précisément, puisque du méthane s’échappe des puits, mieux vaut essayer d’en récupérer une partie que de le laisser s’échapper dans l’atmosphère. C’est vrai. Mais devrait-on justifier le geste de Gaz Métro sous prétexte que les forages pétroliers d’Anticosti libéreront de toute façon le précieux gaz, ou ne devrait-on pas tout bonnement interdire les travaux de Pétrolia? Ce qui est sûr, c’est qu’à partir du moment où Gaz Métro s’associe à un processus à haut risque qui a toutes les chances de transformer Anticosti en désert huileux, l’entreprise perd toute crédibilité environnementale.
Photo aérienne de sites de fracturation hydraulique par Bruce Gordon d'EcoFlight, via Flickr Creative Commons |
À l’heure du réchauffement climatique, le mot « naturel » a bon dos. Je m’étonne d’ailleurs que Shell n’ait pas encore pensé à nous vendre du « pétrole naturel », voire du pétrole bio. Parce qu’après tout, le pétrole est un produit de la nature, non? Les efforts de Gaz Métro pour développer les énergies renouvelables sont louables, mais tant que l’entreprise continuera à détruire d’une main ce qu’elle construit de l’autre, nous devrons reconnaître ces efforts pour ce qu’ils sont : un coup de pub.
François Geoffroy
Professeur de littérature au Collège Montmorency, membre du groupe citoyen Villeray en transition et membre fondateur des clubs Cinéthique, dans Villeray et à Laval.
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Sources :
- Andrew Nikiforuk, «US Federal Report Confirms Water Pollution by Fracking »,The Tye, 8juin 2015.
- Benjamin Zizi, « Du biogaz dans le réseau de Gaz Métro, c'est maintenant? », Écohabitation, 25 mars 2013.
- Canadian press, « Climate expert says coal not oilsands real threat », CBC News, 20 férier 2012.
- Équipe Catrbon Brief, « Why measuring fugitive methane emissions from shale gas production matters » Carbon brief, 24 juillet 2014.
- Felicity Carus, « Dangerous levels of radioactivity found at fracking waste site in Pennsylvania », The guardian, 2 octobre 2013.
- Florent Daudens, « Gaz Métro envisage d'importer plus de gaz de schiste au Québec », Radio-Canada.ca, 24 septembre 2012.
- Laura Handal, Patrick Hébert et Bertrand Schepper, « Gaz de schiste : une filière écologique et profitable pour le Québec ? », IRIS, 17 février 2011
- Philippe Gauthier, « Le fléau méconnu de la fracturation à faible profondeur », Voir.ca, 29 juillet 2015.